L'article
Dans l’épisode 2 de ce dossier, nous avons listé les freins qui empêchent les entreprises du B2B de mettre en œuvre une stratégie de contenus à la hauteur de leurs ambitions, notamment le manque de ressources spécialisées en interne et la difficulté à proposer du contenu inédit.
Lorsqu’elle est judicieusement intégrée dans le process de création de contenus, l’Intelligence Artificielle générative peut aider les directions marketing à lever certains freins, pour peu que l’humain reste aux manettes. Décryptage…
Contenus marketing : ce que l’IA peut faire…
L’IA a toute sa place dans le processus de création de contenus. C’est indéniable. Mais pour s’approprier et capitaliser sur cette technologie disruptive, il faut comprendre son vrai périmètre d’action et rester vigilant face à certaines limites.
1. Résumer des articles et des études
Dans leur travail de sourcing, les équipes marketing peuvent utiliser l’IA pour résumer des articles ou des études en quelques bullet points pour accélérer la phase de documentation et couvrir l’état de l’art de manière plus large.
Cette application est particulièrement utile pour les sujets techniques et complexes et permet de mieux travailler le contexte du contenu pour lui donner de l’épaisseur, voire un soubassement scientifique.
Limites : l’IA n’est pas toujours capable de tirer les insights les plus marquants des études, surtout lorsque le fichier de base est très volumineux. Elle aura tendance à analyser les premières pages et à inventer (ou « halluciner ») la suite. La vérification humaine doit donc être systématique pour éviter le hors-piste. En amont, les sources à analyser doivent aussi toujours être vérifiées comme fiables et référentes dans leur domaine.
2. Analyser une base de données pour en tirer des insights
Vous disposez des résultats d’une étude en format Excel, ou encore d’une capture d’écran d’un tableau de données ? Vous pouvez soumettre ces éléments à un chatbot IA pour identifier des tendances, des modèles (ou patterns) et des enseignements que vous pourrez utiliser dans vos contenus. L’IA vient épauler les marketeurs qui ne sont pas forcément à l’aise avec l’analyse des données.
Limites : la vigilance est de mise. ChatGPT-4 et Claude 3 Opus, considérés comme les versions les plus abouties des chatbots IA à date, commettent souvent des erreurs de calcul, même sur de simples additions. Tout doit être vérifié par un humain.
3. Comprendre les concepts par des mises en application
C’est probablement le cas d’usage le plus pertinent de ChatGPT, Gemini ou Claude AI. Ces chatbots peuvent servir de moteurs de réponses et remplacer Google pour les requêtes nécessitant une compréhension qui va au-delà de la définition théorique.
Prenons un exemple concret : vous souhaitez comprendre de manière pratique, pragmatique et « terrain » l’intérêt du Sales Enablement.
- Google vous proposera probablement plusieurs dizaines de pages web qui abordent la question de manière encyclopédique, avec une définition, des avantages, des inconvénients, des bonnes pratiques, etc.
- Votre chatbot IA (avec le bon prompt et dans un bon jour) pourra vous donner une mise en situation concrète de la mise en œuvre du Sales Enablement dans une entreprise fictive, pour laquelle vous pourrez définir un secteur d’activité, un nombre de salariés, etc.
Cette capacité à explorer des concepts de manière ultra-personnalisée permet d’améliorer la pertinence du contenu et d’aller au-delà des angles habituels.
Limites : l’IA est très douée pour générer des réponses déconnectées mais qui semblent très convaincantes. Les exemples donnés ne sont pas toujours en phase avec la réalité du terrain. L’opérateur humain doit rester vigilant et guetter les incohérences et les affirmations illogiques dans les réponses. Il doit avoir une connaissance du sujet et de ses enjeux pour repérer et estimer la pertinence de la réponse. Par ailleurs, la qualité du prompt est également déterminante. Pour avoir des réponses adéquates, il faut poser un bon prompt. Le prompting devient une compétence pour les marketers.
4. Traduire des contenus pour la documentation
L’IA peut jouer le rôle d’un traducteur automatique, mais cette application était déjà largement utilisée avant l’arrivée de ChatGPT, grâce notamment à DeepL ou Google Translate. L’IA permet toutefois de choisir le ton de la traduction.
Limites : une certaine tendance à traduire de manière littérale, voire à faire du mot-à-mot. Une relecture attentive et un travail de reformulation sont toujours indispensables.
5. Ajouter des émojis à un post sur les réseaux sociaux
C’est une petite fonctionnalité pratique qui permet d’intégrer des émojis pertinents à des posts déjà rédigés.
Les résultats sont généralement bons, même s’il faut évidemment faire le tri pour supprimer les émojis interprétés de manière trop littérale (par exemple : une baguette de pain pour illustrer l’expression « du pain sur la planche »).
6. Compléter une liste à puces à partir d’éléments existants
L’IA peut éventuellement s’inspirer des trois ou quatre premiers éléments d’une liste à puces pour suggérer la suite. Par exemple, si vous avez identifié quatre avantages pertinents du Brand Content, vous pouvez les soumettre à votre chatbot et lui demander de poursuivre la liste. En règle générale, le fait de disposer d’une base pertinente favorise des résultats un peu moins génériques.
Limites : il faudra probablement multiplier les échanges avec le chatbot pour aboutir à deux ou trois idées intéressantes. L’intérêt de cet usage est donc limité, car le gain de temps espéré n’est pas garanti.
Contenus marketing : ce que l’IA ne peut pas faire
Nous l’avons vu, l’IA est davantage un copilote qu’un pilote lorsqu’il s’agit de créer des contenus marketing de qualité.
Elle accélère certains aspects du sourcing et de la documentation, mais c’est véritablement l’humain qui apporte la caution de l’originalité et de la différenciation. Voici ce que l’IA ne peut pas faire dans la création de contenus.
1. Créer des contenus inédits qui se démarquent de la concurrence
Par définition, l’IA ne crée pas de contenu à partir d’une feuille blanche. Elle se base exclusivement sur les données qu’elle a absorbées lors de sa phase d’entraînement. En conséquence, l’originalité du contenu généré par l’IA est limitée à ce qui existe déjà dans son ensemble de données.
Toute « création » n’est en réalité qu’une reformulation de l’existant… dans le meilleur des cas. Parfois, le texte généré existe déjà en l’état ailleurs sur le web, ce qui va nuire au référencement naturel et à la perception de la marque.
Évidemment, le contenu ne permettra pas de se démarquer de la concurrence et des quelque 600 millions de blogs que compte internet (selon HubSpot). D’ailleurs, les professionnels avertis ont développé une capacité à détecter les contenus générés par l’IA sur LinkedIn et les blogs. Il y a, en effet, des signaux qui ne trompent pas :
- un rythme monotone qui se retrouve sur tout le texte ;
- une même idée sera généralement répétée sur deux ou trois phrases, avec des paraphrases ;
- des informations vagues et générales qui ne témoignent pas d’une compréhension approfondie du sujet ;
- aucun point de vue tranché, potentiellement polémique ou discutable ;
- une majuscule au début de chaque mot dans les titres ;
- une majuscule après les deux points explicatifs ;
- l’utilisation répétitive de certains mots ou expressions comme « crucial », « il est essentiel de », « il est important de », « caractéristiques spécifiques », « se distingue par », etc.
#2 Rédiger dans un français naturel et idiomatique
Historiquement, même avant l’IA (avec les techniques de Spin Content notamment), les outils de génération de texte ont toujours été plus performants en anglais. C’est toujours le cas avec l’IA, qui s’est entraînée sur des bases documentaires majoritairement anglophones.
En français, le ton standard est généralement froid, impersonnel, robotique et neutre. Si l’on demande à l’IA un style plus engageant, on se retrouve 9 fois sur 10 avec une traduction littérale et mot-à-mot de l’anglais, et donc une succession d’expressions malheureuses.
3. Insuffler une composante émotionnelle aux contenus
Les contenus marketing ne sont pas toujours 100 % pédagogiques et rationnels. Si le B2B implique des relations entre des entreprises, c’est toujours l’humain qui prend la décision.
Pour engager l’audience, le contenu doit aussi faire appel au ressenti, au subjectif et à l’émotionnel. Et c’est typiquement sur ce genre de contenus que l’IA a le plus de difficultés. Elle tombe systématiquement dans un ton publicitaire caricatural ou trop emphatique.
4. Intégrer des points de vue ou des anecdotes professionnelles
L’IA ne peut conduire des interviews avec des experts, car ce processus exige une compréhension immédiate des réponses fournies et la capacité d’ajuster les questions suivantes en fonction du déroulement de la conversation.
Ce niveau d’interaction est essentiel pour capturer des nuances, des émotions et des perspectives subtiles.
Par construction, l’IA ne peut enrichir les contenus par des anecdotes personnelles et des points de vue tranchés. Elle ne sera pas d’une grande utilité dans la création de contenus subjectifs comme les billets d’humeur, les chroniques et les retours d’expérience.
Et ce sont ces éléments d’authenticité qui engagent les audiences à l’ère de l’infobésité.